La Libre Belgique ECO – 05-01-2024

L’enquête publique sur Brussels Airport mobilise peu les riverains : “On leur met des bâtons dans les roues”

Moins de 2 000 réclamations ont été recensées jusqu’ici, dont près d’un quart rien que pour la seule commune de Woluwe-Saint-Pierre. Le timing de cette enquête et la complexité de la procédure, uniquement accessible en néerlandais, expliqueraient cette faible mobilisation, regrettent plusieurs élus de communes riveraines de l’aéroport. “C’est assez grave car c’est le seul moyen de faire entendre notre voix et les décisions qui seront prises par la Région flamande seront irréversibles”, s’inquiète l’association Bruxelles Air Libre.

La date limite est fixée à ce lundi 8 janvier à minuit. Il reste donc quelques heures seulement à toute personne se sentant concernée pour réagir à la demande de permis d’environnement de l’aéroport de Bruxelles-National. Pour rappel, Brussels Airport a un besoin impérieux d’obtenir un nouveau permis – l’actuel arrivant à échéance en juillet prochain – pour pouvoir continuer à opérer. L’enjeu est de taille, puisque ce permis sera d’une durée illimitée et déterminera notamment le nombre de vols que pourra effectuer l’aéroport chaque année.

Dans ce dossier, c’est la Région flamande qui a la main, l’aéroport se situant à Zaventem, soit en Flandre. Mais la longue procédure permet aussi aux Bruxellois et aux Wallons de s’exprimer sur le sujet : une enquête publique, ouverte à tout citoyen belge, est ainsi en cours depuis près d’un mois. Mais là où certains s’attendaient à un tsunami de plaintes des riverains contre le développement de l’aéroport, on n’est pour l’instant loin du compte. “Très peu de Bruxellois ont réagi à l’enquête publique sur le permis d’environnement de l’aéroport, s’inquiète l’association Bruxelles Air Libre. C’est assez grave car c’est le seul moyen de faire entendre notre voix et les décisions qui seront prises par la Région flamande seront irréversibles”.

”C’est peu au regard des 100 000 Bruxellois gênés par le bruit des avions”

Combien de Belges ont exprimé leurs doléances jusqu’ici ? “Cette enquête publique est en cours et il n’y a donc pas question de fournir des chiffres”, nous explique-t-on auprès du cabinet de la ministre flamande de l’Environnement Zuhal Demir (N-VA), en charge du dossier. Du côté de Bruxelles-Environnement, on est plus bavard. Selon l’organisme bruxellois, actuellement, un peu plus de 1 900 réclamations ont été introduites sur la plateforme de la Région flamande, dont 700 provenant de la Région bruxelloise. “C’est relativement peu au regard des quelque 100 000 Bruxellois gênés par le bruit des avions ; la deuxième source de gêne pour les habitants de Bruxelles après le bruit routier”, explique la porte-parole Pascale Housman. Bruxelles-Environnement explique pourtant avoir largement communiqué sur cette enquête publique.

Plus de la moitié des plaintes bruxelloises proviendraient de la seule commune de Woluwe Saint-Pierre (440 plaintes connues, dont 30 par écrit) qui a mobilisé ses propres services communaux en proposant notamment des formulaires types. “La procédure est particulièrement complexe, regrette le bourgmestre Benoît Cerexhe (Les Engagés). Il faut rentrer sur le guichet flamand, vous identifier via Itsme (une application d’identité mobile, NdlR) ou un lecteur de carte d’identité et ensuite plonger dans un univers 100 % néerlandophone. Pour ceux qui n’ont pas une bonne connaissance de la langue de Vondel, c’est très compliqué. Nous avons aussi une population assez âgée qui ne maîtrise pas les nouvelles technologies et nous les avons aidés du mieux que nous pouvions”. Le bourgmestre rappelle la ligne des communes bruxelloises : la fin des vols de nuit à l’aéroport, une limite de vols par an (220 000) et l’interdiction des avions les plus bruyants.

”On aurait eu une avalanche de plaintes si cette enquête avait eu lieu l’été”

“Il y a très peu de plaintes côté flamand où l’on considère que l’aéroport est un outil économique qu’on ne peut pas attaquer, explique de son côté Philippe Touwaide, le médiateur fédéral. Ce dernier estime aussi qu’on a mis “des bâtons dans les roues” des riverains afin d’éviter qu’ils s’expriment. “Le processus pour porter plainte est très complexe. L’utilisation obligatoire d’Itsme rend méfiant beaucoup de gens. On peut aussi se poser la question sur le timing de cette enquête, en pleines vacances scolaires”. Dans “un souci de transparence”, M. Touwaide explique avoir porté lui-même ce vendredi 205 plaintes écrites de riverains n’ayant pas réussi à l’envoyer via Internet auprès de la bourgmestre de Kortenberg, l’une des quatre communes flamandes de dépôt de réclamations.

Pour Bertrand Waucquez (Kraainem Unie), bourgmestre de Kraainem, le mauvais temps explique aussi ce peu d’intérêt des riverains. “En hiver, on entend moins les avions. Si on avait fait cette enquête l’été dernier, quand la piste 25 a été utilisée massivement de manière abusive, on aurait eu une avalanche de plaintes”. L’élu local incite les citoyens à ne pas manquer ce rendez-vous. “Dès lundi soir, il sera trop tard”. Selon lui, les communes impactées doivent rester unies dans ce processus.” Il faut éviter que ce dossier devienne un conflit communautaire qui divise et affaiblisse les riverains”, conclut-il.

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